Description
New York Counterpoint – 11′13″
Compositeur : Steve Reich
© EDITIONS BOOSEY & HAWKES
Version pour Marimba et Bande
→ Mouvement 1 – 4′57″
→ Mouvement 2 – 2′40″
→ Mouvement 3 – 3′36″
A propos de l’œuvre – Par Jean-François Boukobza / Octobre 2017
« En essayant d’aligner deux boucles identiques et de les faire fonctionner en relation, je découvris que la manière la plus intéressante de procéder consistait à aligner les boucles à l’unisson, puis à les laisser se déphaser lentement, l’une par rapport à l’autre. C’est en écoutant ce processus graduel de décalage que je commençai à réaliser qu’il s’agissait d’une forme extraordinaire de structuration musicale. Ce processus s’imposa à moi comme la manière d’épuiser un certain nombre de relations entre deux motifs identiques, sans jamais avoir à faire de transition » écrit Steve Reich dans un article intitulé « Sur quelques compositions ».
L’avènement de la musique répétitive, au début des années soixante, ne relève guère du hasard. La décennie, vitaliste, promeut un goût pour les œuvres expérimentales, les happenings et les musiques d’atmosphère, mais aussi pour les phénomènes d’abandon et de transe parfois liés aux psychotropes et à la fascination qu’ils génèrent alors. Elle répond par ailleurs à une hégémonie américaine croissante dans le domaine de l’art, qui entend se démarquer des avant-gardes européennes par la proximité avec la musique populaire, l’intégration naturelle des nouvelles technologies ou le renouement avec la mélodie, la pulsation continue et les échelles simples. Cette « nouvelle musique » permet aussi de contourner les formes européennes à développement au profit d’une approche autre de la composition, fondée sur des transformations douces et ininterrompues : « Le trait pertinent des processus musicaux, c’est qu’ils déterminent simultanément l’ensemble des détails note après note et la totalité de la forme. En exécutant, et en écoutant des processus musicaux graduels, on participe à une sorte de rituel particulier, libérateur et impersonnel. Se concentrer sur un processus musical permet de détourner son attention du lui, du elle, du toi et du moi, pour la projeter en dehors, à l’intérieur du ça » note à ce propos Reich.
New York Counterpoint 1985, écrit à l’origine pour clarinette et bande magnétique, prolonge la réflexion entamée avec Vermont Counterpoint 1982 où un soliste dialoguait déjà avec son propre enregistrement : interpréter une pièce de nature polyphonique par un seul instrumentiste, intégrer la technologie dans le domaine de chambre, et mêler le temps « vivant » de l’interprétation à celui « figé » de la musique captée. Fondée sur une économie drastique des moyens – des motifs de quelques notes à peine, une monochromie volontaire (le même timbre, démultiplié), une pulsation égale -, la pièce comprend trois parties aisément repérables (Fast ; Slow ; Fast), précédées d’une courte introduction. Chacune a son propre centre tonal et ses propres idées mélodiques mais toutes mettent en jeu les mêmes techniques : l’énoncé d’un pattern mélodico-rythmique enrichi graduellement et uni à d’autres « patrons » au sein d’un ensemble continuellement changeant du fait du déphasage progressif des voix. La musique émane de la combinaison de différents processus : la variation continue des motifs, l’émergence puis l’effacement de nouvelles idées, la densité plus ou moins forte de la polyphonie, le renouveau constant des champs harmoniques, la création d’ambiguïtés métriques binaires et ternaires, la formation de nouvelles constellations harmoniques en raison d’une ligne de basse constamment mouvante. Réalisées dans la douceur et la lenteur, ces différentes évolutions créent une étrange illusion acoustique, l’auditeur éprouvant le sentiment d’un temps à la fois identique et jamais totalement le même.