Description
Rebond B – 6′17″
Compositeur : Iannis Xenakis
© EDITIONS SALABERT
Œuvre dédiée à Sylvio Gualda
A propos de l’œuvre – Par Jean-François Boukobza / Octobre 2017
Liée à une expression de la violence comme à l’évocation de rites fantasmatiques ou primitifs, la percussion occupe une place fondamentale dans l’univers de Iannis Xenakis. Un nombre important de partitions lui sont dédiées, telles Per- sephassa 1969, Psappa 1975, Pléïades 1978, Kassandra 1987, Rebonds 1987-1988 ou Okko 1989. L’instrument prend place au sein des formations les plus diverses – les opus solistes comme les duos chambristes (Dmaathen 1976 pour hautbois et percussion) ou les pages destinées à des ensembles vastes (Idmen A 1985 pour chœur mixte et six percussionnistes). Cette fascination s’explique aisément. Chez Xenakis, l’instrument accompagne un univers lié à une dimension rituelle, à une expressivité peu éloignée de celle décrite par Antonin Artaud dans Le Théâtre de la cruauté, et à une curiosité pour les cultures musicales extra-européennes : « J’ai été très marqué par les percussions de l’Inde. Je pense qu’il s’agit d’une des plus importantes traditions de percussion. Mais j’ai aussi écouté de la percussion japonaise ou africaine et j’ai été attiré par cette musique » a ainsi confié Xenakis.
Les deux partitions formant Rebonds ont été composées pour le percussionniste Sylvio Gualda. Elles consistent en deux pièces d’inégales longueurs – « a » et « b » – que l’on peut interpréter dans n’importe quel ordre mais que l’on ne peut jouer séparément. La première n’utilise que les peaux alors que la seconde introduit en plus cinq wood-blocks. Les deux pages évitent les instruments à résonance pour se consacrer à l’impact, au saut et au contrecoup. Dans Rebond a, les sept instruments sont réunis par hauteurs relatives : deux bongos, trois toms, deux grosses caisses (de l’aigu au grave). Les deux pages sont fondées sur une même technique : un processus de densification progressive qui expose dès les premiers instants une cellule rythmique simple, « monnayée » progressivement en divisions de plus en plus petites. Le tissu exploite ainsi des unités brèves, répétées, légèrement amplifiées, mêlées à d’autres dans un processus d’hybridation et de transformation permanent. La tendance à aller du son isolé vers le continuum n’est toutefois jamais réalisée : la discontinuité demeure et avec elle la surprise, l’accident, l’aléatoire ou l’imprévu. La musique n’est également jamais dramatisée. Dénuée de tension dramatique, elle prend l’apparence d’un rituel par son caractère répétitif, par l’importance donnée au geste formalisé, et par l’absence de tout artifice décoratif et de toute théâtralité superfétatoire. Elle semble ainsi toucher au religieux sinon au spirituel, et insuffle à l’auditeur une énergie primaire, vitale sinon transcendante.